National anti-corruption demonstration, five days after the La Saline massacre. Photo: Haiti Liberte

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L’Association internationale des juristes démocrates a adressé la lettre suivante au président haïtien, Jovenel Moise, sur la réponse inadéquate du gouvernement haïtien au massacre de plus de 70 hommes, femmes et enfants à La Saline en novembre 2018.

La lettre, signée par la présidente de l’AIJD, Jeanne Mirer, était également solidaire du Bureau des avocats internationaux et de tous les dirigeants des droits de l’homme et de la société civile en Haïti, réclamant la vérité et la justice pour ce massacre.

Bien que le massacre ait été attribué à des auteurs liés à des gangs, les déclarations de témoins crédibles incluent des informations selon lesquelles des uniformes de la police ou le transport officiel des agresseurs par le gouvernement se rendaient sur les lieux. Il a également été allégué que le massacre constituait une forme de représailles contre les résidents locaux pour leur implication dans des campagnes anti-corruption. Le massacre a eu lieu cinq jours avant une manifestation nationale prévue contre la corruption le 18 novembre 2018.

Malgré la gravité de l’incident, Moise et le gouvernement haïtien sont restés en grande partie silencieux et insensibles, sans transparence sur le statut d’une enquête en cours. La lettre exprimait son soutien aux revendications formulées par les victimes du massacre et les organisations de la société civile dans la Déclaration de La Saline, appelant à une enquête indépendante, à la poursuite des auteurs et à un renforcement du soutien psychosocial et de la sécurité pour les habitants de la région.

Lire la lettre complète ci-dessous ou télécharger le PDF.

L’Association internationale des juristes démocrates est une organisation mondiale regroupant des associations d’avocats, des avocats et des juges de plus de 90 pays engagés dans l’égalité des peuples, l’élimination de l’impérialisme et du colonialisme et la protection des droits de tous. AIJD est une organisation non gouvernementale accréditée auprès de l’ECOSOC et de l’UNESCO.

Son excellence Président Jovenel Moise,

Au nom de l’Association Internationale des Juristes Démocrates (AIJD), organisation mondiale regroupant des associations d’avocats, de juristes et de juges de plus de 90 pays engagés à assurer l’égalité des peuples, l’élimination de l’impérialisme et du néocolonialisme et la protection des droits humains, nous vous écrivons pour exprimer notre profonde préoccupation devant votre refus de réagir de manière adéquate au massacre de plus de 70 hommes, femmes et enfants à La Saline en novembre 2018. Nous écrivons en solidarité avec notre organisation membre en Haïti, le Bureau des Avocats Internationaux (BAI), et avec tous les militants de droits humains et leaders de la société civile Haïtienne appelant à la vérité sur ce dossier et surtout, à la justice pour les victimes dudit massacre.

Selon plusieurs rapports crédibles, y compris une enquête approfondie menée par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), le 13 novembre 2018, des assaillants affiliés à des gangs ont tué environ 70 personnes, violé 11 femmes et incendié 150 maisons dans la zone de La Saline à Port-au-Prince. Ce massacre est l’un des pires depuis la chute de la dictature des Duvalier en 1986.

Les déclarations des témoins et les analyses des groupes de défense des droits Humains ont pointé du doigt l’implication des acteurs gouvernementaux dans le massacre. Comme indiqué dans l’enquête du RNDDH, des témoins ont rapporté que des auteurs de violence, dont certains d’entre eux portaient des uniformes de la Police Nationale d’Haïti (PNH), avaient été transportés dans la zone abord des véhicules de la PNH. Les habitants de La Saline ont également accusé des représentants du gouvernement d’avoir orchestré le massacre en guise de représailles pour le rôle que joue le quartier dans le mouvement anti-corruption croissant contre votre administration, en particulier dans les préparations pour une manifestation nationale qui a eu lieu le 18 novembre 2018.

Face à ces graves allégations qui concernent des pertes massives en vies humaines et des violations flagrantes des droits humains du peuple haïtien, vous êtes resté inexcusablement insensible. En dépit des appels de groupes de défense des droits humains, votre administration n’a publié aucune déclaration faisant état des mesures prises pour enquêter sur le massacre et n’a offert aucune réponse, même après le rapport émis par l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) en janvier 2019. Jusqu’à nos jours, vous n’avez personnellement fait aucune déclaration publique concernant ces événements tragiques. Entre-temps, les rapports indiquant que des arrestations ont eu lieu en lien avec le massacre sont contradictoires.

Chose particulièrement troublante, la plus récente déclaration publique de votre administration concernant La Saline, émis non pas en réponse aux préoccupations exprimées par la société civile haïtienne, mais à une lettre de plus de 100 membres du Congrès des États-Unis exprimant leur inquiétude face à l’attaque, a qualifié les allégations de violations des droits humains comme “sans fondement et sans valeur”. Cette déclaration, publiée par l’ambassade d’Haïti aux États-Unis, n’a fourni aucune explication ou preuve à l’appui de ce déni catégorique, qui contredit les preuves existantes.

Nous condamnons fermement votre manque de transparence, votre silence personnel et votre réponse inadéquate à ce massacre. Nous unissons nos voix pour exprimer notre solidarité avec les demandes formulées par 127 victimes et dirigeants de la société civile haïtienne dans la “Déclaration de La Saline” du 27 décembre 2018 en appelant à:

  • Une enquête indépendante sur le massacre de La Saline et un dialogue avec les organisations de la société civile tout au long du processus ;
  • La  poursuite judiciaire contre les responsables ;
  • Prendre des mesures de sécurité renforcées à La Saline pour réduire le risque permanent causé par les gangs armés au sein des habitants, et des mesures de protection spéciale pour les victimes;
  • Un accompagnement médical et psychosocial pour les victimes et un dédommagement pour la reconstruction et la réhabilitation des maisons détruites et biens perdus ;
  • Des actions gouvernementales visant à démanteler les gangs qui constituent une menace permanente pour les habitants de La Saline et d’autres quartiers touchés.

En tant que président, il est votre devoir de protéger les droits humains du peuple haïtien. Nous vous exigeons à dénoncer immédiatement et publiquement la violation flagrante des droits survenus à La Saline et d’expliquer les mesures que vous allez prendre pour vous acquitter de votre devoir de garantir la vérité, la justice et la réparation pour ce massacre choquant.

Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’expression de nos sentiments distingués.

Sincerely,

Jeanne Mirer, président

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