Le droit et l’action pour la réalisation du droit humain à la Paix, Roland Nivet

 

The following article was published in the May 2022 special issue of the International Review of Contemporary Law, the journal of the IADL, focusing on the 75-76 anniversary of the United Nations Charter.

Le droit et l’action pour la réalisation du droit humain à la Paix,

Roland Nivet

Témoignage liminaire

Avant de commencer ce texte, en hommage à Roland Weyl, je voudrais juste partager quelques souvenirs d’actions conduites avec Roland à l’invitation du comité de Rennes du Mouvement de la Paix. Roland avait un pied-à-terre à Plougasnou dans le Finistère et nous profitions de son passage pour organiser des conférences débats. Ce qui m’a marqué c’est sa capacité à s’adapter au public et à organiser sa conférence à partir des questions des gens pour arriver à captiver l’attention à travers des démonstrations simples mais au plus haut niveau des connaissances juridiques. Je me souviens en particulier de trois débats :le premier à l’espace Ouest-France où il vraiment subjugué la responsable de l’espace Ouest France, à la faculté de droit de Rennes lors d’un débat organisé par Linda jeune étudiante en deuxième année de droit où il a été entouré d’une flopée d’étudiants et d’étudiantes qui n’arrêtaient pas de poser des questions en insistant sur l’intérêt qu’ils avaient trouvé dans sa conférence d’autant qu’ils n’avaient jamais entendus de tels raisonnements juridiques en cours ou en TD. Enfin au lycée agricole de Dol de Bretagne devant une centaine de lycéens il a commencé par demander aux élèves de poser des questions. Un élève a levé la main et a dit « Monsieur j’ai pas de question à poser car ça m’intéresse pas tellement, ce sont les professeurs qui nous ont dit que nous étions obligé de venir ». Alors Roland, a répondu, « merci pour ta question je crois que c’est la meilleure question qui a été posée ce soir je vais commencer mon exposé en te répondant ». Après 1h30 ou 2 de discussion les élèves avaient encore des questions et aucun n’avait quitté la salle. Merci Roland

Dialectique entre le Droit et les réalités sociales

Si le droit a été parfois en avance par rapport à la réalité sociale, le plus souvent ce sont les luttes sociales qui ont permis aux peuples d’accéder à de nouveaux droits. Mais, même lorsque ces droits ont été formalisés, codifiés cela n’a pas empêché les pouvoirs quels qu’ils soient de les bafouer voir de les nier. En tout état de cause le déterminant principal réside dans la volonté, la capacité, la détermination des peuples et surtout des classes populaires à se battre pour acquérir, conquérir de nouveaux droits ou pour défendre les droits acquis. Comme le disait Roland Weyl parlant du droit international le droit ne doit pas être « un droit sur les peuples » mais « le droit des peuples à agir pour leurs droits ».Dans le livre « Sortir le droit international du placard » écrit en commun par Monique et Roland Weyl, les auteurs indiquent qu’en matière de droit international « pendant des siècles, le monde a été régi par des rapports de puissance, par leurs affrontements et leurs compromis quant au partage des richesses et des populations. Et, ce qu’on appelait « droit international », consistait à cultiver la portée des accords et la valeur des réciprocités qui en résultaient : des rapports de puissance, dont la seule limite était édictée par la prudence de la réciprocité (1).”

Pour Roland et Monique Weyl la vraie naissance du droit international date de 1945 : « Tout change en 1945. Ce changement est communément identifié à la constitution d’une organisation mondiale, l’ONU, opératrice d’un ordre universel de sécurité. Mais tout réduire à l’Organisation, c’est perdre de vue que celle-ci a été créée par une Charte et que la fonction de l’ONU est de faire respecter cette charte en la respectant elle-même. Et, c’est la Charte qui est dans l’histoire de l’humanité le premier texte de nature législative constituant un droit international universel. C’est un acte novateur révolutionnaire et fondateur du droit contemporain. On peut dire que, pour la première fois, l’humanité se dote d’un véritable droit international fondé sur un principe de légalité ». Dans le même temps les auteurs insistent sur le fait que dans le même temps tout est rapport de forces : « L’expérience montre que l’égalité des peuples, par la médiation de leur Etat, est purement théorique tant qu’ils n’ont pas les moyens économiques de leur souveraineté ». Ainsi ils déplorent que le système mis en place en 1945 présente des lacunes car : « la clé de tout demeure dans le fait que les organisations économiques internationales -à savoir les institutions financières internationales ( le fonds monétaire international et la banque mondiale) et le mécanisme de régulation des échanges commerciaux relevant de l’organisation mondiale du commerce (OMC) et de son tribunal interne (l’Organe de règlement des différends)- ont été constitués en dehors de l’ONU avec un fonctionnement contraire aux principes fondamentaux de la charte ».Pour eux « la réalité dominante de la vie internationale est l’opposition entre pouvoir sur les peuples et pouvoir des peuples. L’ONU est destinée à être l’instrument du pouvoir des peuples mais, si elle peut doit être un instrument de ce combat, elle en est aussi un enjeu et son bilan en est inévitablement grevé ». Aussi pour sortir de cette contradiction ils en appellent à l’action des individus et des peuples car « il n’en reste pas moins que le droit international ne peut pas être réduit au pouvoir de police d’une organisation mondiale suprême. Dans aucun domaine, le droit ne peut être simplement la règle qui dicte une autorité. C’est une conception profondément antidémocratique, reposant sur le fléau de la délégation de pouvoir qui consiste à laisser faire la politique par ceux qui savent et réduit les individus, et en droit international les peuples, à l’état de sujets ».Cette mobilisation des individus et des peuples pour le respect de la lettre et de l’esprit de la Charte et son enrichissement est nécessaire pour l’objectif principal qui , pour  Monique Picard Weyl est « de créer un monde fait par les hommes et pour les hommes, par les peuples et pour les peuples pour leur droit au bonheur ». (Avant-propos de son livre « Non à la guerre, oui au bonheur » éditions de l’Humanité-2010).

Dans cette contribution écrite pour rendre hommage à mon ami Roland Weyl, en y associant Monique son épouse, je vous propose, deux réflexions, une première sur la culture de la paix et l’autre sur économie et paix.

A- La culture de la paix au service du droit à la paix

La culture de la paix est le résultat de la longue évolution qui a marqué la genèse du droit international. Si les conférences de La Haye en 1899 et 1907 ont abordé la question de la paix, si l’Organisation internationale du travail (OIT) avait posé des jalons innovants en 1919 en indiquant, dans le préambule de sa Constitution, « qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale », l’étape déterminante fut la Charte des Nations unies, en 1945.

Ainsi le magnifique préambule de la Charte que Roland Weyl citait régulièrement pose, à un moment ou le rapport des forces sociales au plan mondial le permet, un des jalons essentiels de l’histoire de l’humanité sur le long cheminement chaotique de l’humanité vers un monde plus humain en affirmant cette utopie en ces mots :

« Nous, peuples des nations unies résolus, – à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, et à ces fins – à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage, à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales, à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun, à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples, avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins. En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs représentants, réunis en la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies. ».

Depuis, bien des textes sur les droits économiques, sociaux et culturels etc sont venus enrichir le corpus du droit international. Les peuples ont gagné par leurs luttes la mise en place de beaucoup de ces droits. Une étape dans ce processus historique a été la résolution 52/13, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, du 15 janvier 1998. Cette résolution stipule que «  la tâche assignée à l’ONU – préserver les générations futures du fléau de la guerre – appelle une transition vers une culture de la paix, consistant en des valeurs, des attitudes et des comportements qui reflètent et favorisent la convivialité et le partage fondés sur les principes de liberté, de justice et de démocratie, tous les droits de l’Homme, la tolérance et la solidarité, qui rejettent la violence et inclinent à prévenir les conflits en s’attaquant à leurs causes profondes et à résoudre les problèmes par la voie du dialogue et de la négociation et qui garantissent à tous la pleine jouissance de tous les droits et les moyens de participer pleinement au processus de développement de leur société ».Le 6 octobre 1999, à travers sa résolution 53/243 portant Déclaration et Programme d’action sur une culture de la paix, fut adopté un des principaux textes de référence en matière de culture de la paix. Dans ses attendus, cette résolution se réfère à la Charte des Nations unies, à la Convention créant l’Unesco (1945), laquelle énonce que « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix », et à la Déclaration universelle des droits de l’Homme et autres instruments internationaux pertinents du système des Nations unies. Cette résolution situe le contexte historique dans lequel elle a été conçue, « en reconnaissant […] que la fin de la guerre froide a ouvert de nouvelles perspectives pour affermir une culture de la paix ». Enfin, elle « [reconnaît] que la paix n’est pas simplement l’absence de conflits, mais est un processus positif, dynamique, participatif qui favorise le dialogue et le règlement des conflits, dans un esprit de compréhension mutuelle et de coopération ».

La résolution 53/243 affirme donc avec force que la paix ne peut se construire que par la réalisation concrète des droits humains tels qu’ils ont été définis par les textes portant des avancées juridiques importantes en termes de droit international : Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948), Convention concernant la lutte contre les discriminations dans le domaine de l’enseignement (1960), Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale (1965), Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (1966), Convention internationale des droits de l’enfant (1989), etc.. On retrouve ces marqueurs dans l’article 3 de la résolution (voir encadré).

La concrétisation d’une culture de la paix se heurte au lobby militaro-industriel

Cette résolution, dans sa deuxième partie, présente la caractéristique, souvent passée sous silence, de définir un plan d’action, qui est un appel à la mobilisation et à un travail en commun entre les Etats, la société civile et le système des Nations unies, en faveur de la promotion d’une culture de la paix.

Cette résolution n’a pas de caractère juridique contraignant en termes de droit international mais plutôt une valeur normative, à travers la définition de principes juridico-politiques qui influent sur les relations internationales, ou, du moins, qui fournissent des référentiels pour l’analyse et l’action. Elle fixe des perspectives concrètes importantes car, dans la lutte entre la puissance et le droit, elle donne une légitimité aux solutions alternatives qui proposent de substituer à la sécurité fondée sur la puissance (en particulier militaire), une sécurité collective basée sur la réalisation des droits humains en se référant à la Charte des Nations Unies. Ce concept de culture de la paix est d’autant plus crédible qu’il a été initié à partir de travaux de scientifiques du monde entier qui ont proclamé, dans le manifeste de Séville sur la violence le 16 novembre 1989, que « […] tout comme ‘les guerres commencent dans l’esprit des hommes’, la paix également trouve son origine dans nos esprits. La même espèce qui a inventé la guerre est également capable d’inventer la paix. La responsabilité en incombe à chacun de nous », plaçant ainsi la lutte pour la paix dans le champ politique. Il est aussi d’autant plus crédible qu’il est le résultat de recherches approfondies, coordonnées par l’ONU, sur les causes des guerres.

Bien sûr il y a un écart entre les objectifs de la résolution et la réalité d’une course aux armements qui ne faiblit pas y compris en matière d’armes nucléaires malgré l’entrée en vigueur le 21 janvier 2021 d’un traité sur l’interdiction des armes nucléaires, la réalité de la persistance de conflits et de guerres meurtrières. La question de l’efficacité de telles déclarations d’ordre « législatif » qui, même si elles sont adoptées par consensus, n’entraînent pas d’obligation pour les Etats, se pose. Etats dont certains poursuivent un commerce des armes très profitable au lobby militaro-industriel. En revanche, cette résolution et l’implication de l’Unesco constituent un appui considérable pour les peuples qui aspirent à une paix construite au travers de processus de sécurité collective non militaires. Elle porte une logique qui s’oppose à la logique de guerre du lobby militaro-industriel, lequel défend d’autant plus la force et la militarisation des relations internationales que les organisations susceptibles de réguler le commerce, telles que l’OMC, le FMI, ne sont pas incluses dans le système des Nations unies et fonctionnent sur le principe « d’un dollar-une voix ». Cependant comme le montre les rapports mondiaux élaborés par le réseau « Décade pour la paix » animé par David Adams ancien directeur du département culture de la paix à l’Unesco les actions s’appuyant sur ces textes se développent dans le monde entier

 La culture de la paix : un outil au service des peuples

La culture de la paix est un instrument au service des peuples. On a pu mesurer ses effets positifs lors du Forum social mondial de Dakar, en 2011, où une assemblée de plusieurs centaines de personnes, et en particulier d’ONG africaines, ont travaillé sur les modalités de mise en œuvre de la culture de la paix. Depuis, des ONG africaines, avec le soutien de l’Unesco et de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), ont élaboré un ouvrage de référence en matière d’éducation à la culture de la paix, et on ne compte pas les initiatives citoyennes et associatives comme celles de la Décennie internationale de la culture de la paix et la non-violence qui, a fourni des rapports mondiaux sur la mise en œuvre de la culture de la paix.

En France, un collectif de cinquante-trois organisations a entrepris l’écriture d’un Livre blanc pour la paix, paru en 2017 et porteur de propositions alternatives basées sur la Charte des Nations unies, la résolution de l’Onu sur la culture de la paix, les textes relatifs aux droits humains, les Objectifs du développement durable (résolution A/RES/70/1 sur les ODD) et l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 en application de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Enfin, dans une pétition lancée en 2017 (3) et demandant que la France ratifie le Traité d’interdiction des armes nucléaires, cent cinquante organisations en France réclament « une réorientation du budget de la Défense dans le cadre d’une politique en faveur de la construction de la paix, s’inspirant de la Charte des Nations Unies et des huit domaines d’action de la culture de la paix définis par l’Unesco et l’ONU ». En ce sens, la culture de la paix constitue aussi un appui aux luttes pour le désarmement, qu’il soit nucléaire ou conventionnel, en proposant une transition pacifiste comme alternative à la culture de la guerre. Cette culture de la guerre contribue, en particulier à travers le montant colossal des dépenses militaires (près de 2000 milliards de dollars par an) , à comparer avec le budget de 3.2 milliards de dollars adopté par les Etats membres en décembre 2020  pour financer le travail d l’ONU en 2021- source ONU infos décembre 2020), à détourner les moyens nécessaires pour concrétiser les droits humains.

La culture de la paix constitue aussi un outil opérationnel dont s’emparent certains Etats. Ainsi, la Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes (Celac), qui regroupe trente-trois Etats et six cents millions d’habitants, a adopté, en janvier 2014, un Plan d’action économique, social et politique, basé sur la culture de la paix et de la non-violence. Comme l’a dit a plusieurs reprises Alain Rouy secrétaire exécutif de l’Aiep ( association internationale des éducateurs à la paix) « Le concept de culture de la paix porte donc un potentiel révolutionnaire, au sens intégral du terme : il met en cause l’ordre des choses existant et contribue lui-même  ce changement. Mais pour acquérir toute sa force et son efficacité, il a besoin que les peuples se l’approprient, le fassent vivre et agissent pour son application concrète. La culture de la paix, c’est le refus de la fatalité des maux qui affligent l’humanité, et donc une source d’espoir pour les bâtisseurs d’un autre monde, fait de justice et de paix ».

References :

Voir

1 www.fund-culturadepaz.org/spa/INFORME_CULTURA_DE_PAZ/INFORME/informeFCP_fra.pdf.

2 www.mvtpaix.org/wordpress/le-livre-blanc-pour-la-paix-un-ouvrage-collectif/

3 www.mvtpaix.org/wordpress/petitions/

Un texte de référence sur la culture de la paix

L’article 3 de la résolution 53/243 de l’Assemblée générale de l’ONU portant Déclaration et Programme d’action sur une culture de la paix stipule que « L’épanouissement d’une culture de la paix est lié de façon intrinsèque à :

  1. a) La promotion du règlement pacifique des conflits, du respect et de l’entente mutuels et de la coopération internationale ;
  2. b) Le respect des obligations internationales en vertu de la Charte des Nations unies et du droit international ;
  3. c) La promotion de la démocratie, du développement et du respect universel de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales ;
  4. d) La formation, à tous les niveaux de responsabilité, de personnes qui sachent favoriser le dialogue, la médiation, la recherche du consensus et le règlement pacifique des différends ;
  5. e) Le renforcement des institutions démocratiques et la possibilité de participer pleinement au processus de développement ;
  6. f) L’élimination de la pauvreté et de l’analphabétisme et la réduction des inégalités au sein des nations et entre celles-ci ;
  7. g) La promotion d’un développement économique et social durable ;
  8. h) L’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes grâce à leur autonomisation et une représentation équitable à tous les niveaux de la prise de décisions ;
  9. i) Le respect, la promotion et la protection des droits de l’enfant ;
  10. j) La promotion de la libre circulation de l’information à tous les niveaux et de l’accès à l’information ;
  11. k) Une gestion des affaires publiques plus transparente et une responsabilité accrue en la matière ;
  12. l) L’élimination de toutes les formes de racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ;
  13. m) La promotion de la compréhension, de la tolérance et de la solidarité entre toutes les civilisations, tous les peuples et toutes les cultures, y compris à l’égard des minorités ethniques, religieuses et linguistiques ;
  14. n) Le plein exercice du droit de tous les peuples à l’autodétermination, notamment des peuples colonisés ou soumis à d’autres formes de domination ou d’occupation étrangère, consacré par la Charte des Nations Unies et énoncé dans les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’Homme ainsi que dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux figurant dans la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960. »

(1) Voir www.mvtpaix.org/wordpress/culture-de-paix/resol-onu-decennie/programme-actions/.

La culture de la paix est définie par les Nations Unies comme « un ensemble de valeurs, attitudes, comportements et modes de vie qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et la négociation entre les individus, les groupes et les États ».

Les 8 domaines d’action pour construire une culture de la paix :

  1. Renforcer la culture de la paix par l’éducation :Comme l’indique le préambule de l’Unesco : « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix… » Le premier objectif est d’assurer le droit à l’éducation pour tous et notamment pour les filles. Cela passe par la révision des programmes d’enseignement afin de promouvoir des valeurs, des comportements et des modes de vie qui vont dans le sens d’une culture de la paix tels que la résolution pacifique des conflits, le dialogue, la recherche de consensus et la non-violence. Une telle approche éducative devrait par ailleurs être dictée par les objectifs de la culture de la paix.

Promouvoir la paix et la sécurité internationales : Les acquis de ces dernières années en matière de sécurité humaine et de désarmement — dont les traités concernant les armes nucléaires et le traité contre les mines anti-personnel — devraient nous encourager dans nos efforts en ce qui concerne, par exemple, la négociation de règlements pacifiques des différends, l’élimination de la production et du trafic illicite d’armes, les solutions humanitaires dans les situations de conflit, les initiatives visant à remédier aux problèmes qui surgissent après les conflits.

Promouvoir le respect de tous les droits humains : Nous devons renforcer la culture de la paix par la réduction des inégalités économiques et sociales, l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire durable, la justice sociale, des solutions durables aux problèmes de la dette, l’autonomisation des femmes, des mesures spéciales pour les groupes aux besoins particuliers et la durabilité environnementale.

Promouvoir le développement économique et social durable : Les droits de l’homme et la culture de la paix sont complémentaires. Lorsque la guerre et la violence prédominent, il est impossible d’assurer les droits de l’homme. De la même façon, sans droits de l’homme, sous toutes leurs formes, il ne peut exister de culture de la paix…

Assurer l’égalité entre les hommes et les femmes : Nous devons assurer l’égalité entre les hommes et les femmes par la pleine participation des femmes dans la prise de décision économique, sociale et politique, par l’élimination de toutes formes de discrimination et de violence contre les femmes, par l’appui et l’aide aux femmes qui se retrouvent dans le besoin.

Favoriser la participation démocratique : Parmi les fondations indispensables à la réalisation et au maintien de la paix et de la sécurité figurent des principes, des pratiques et une participation démocratique dans tous les secteurs de la société, un gouvernement et une administration transparents, la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la corruption, les drogues illicites et le blanchiment d’argent…

Développer la compréhension, la tolérance et la solidarité : Pour abolir les guerres et les conflits violents, il faut transcender et dépasser les images de l’ennemi par la compréhension, la tolérance et la solidarité entre tous les peuples et toutes les cultures. Apprendre de toutes nos différences par le dialogue et l’échange d’informations est un processus qui ne peut être qu’enrichissant…

Soutenir la communication participative et la libre circulation de l’information et des connaissances La liberté d’information et de la communication et le partage de l’information et des connaissances sont indispensables pour une culture de la paix. En même temps, des mesures doivent être prises pour contrecarrer la promotion de la violence par les médias, y compris par les nouvelles technologies de l’information et de la communication…

B- Pour une économie de paix : premiers éléments de réflexions et de propositions

Si l’aspiration des populations à la paix est immense, les guerres et conflits se perpétuent. La situation internationale est incertaine et inquiétante, avec des dépenses militaires à un niveau jamais atteint au plan mondial, un commerce des armes florissant qui entretient les conflits comme par exemple au Yémen, la reprise de la course aux armement nucléaires. Dans ce contexte, une réflexion sur ce que pourrait être une économie pour la paix me semble devoir s’envisager dans le cadre d’un projet politique dont la paix est un objectif affirmé. La Paix est avant tout une construction politique autour de projets, de valeurs, d’actions concrètes et d’objectifs à atteindre sur le court, moyen et long terme tant au plan local, national que mondial en s’inspirant en particulier de la Charte des Nations Unies. Un tel projet nécessite une stratégie prenant en compte les causes économiques qui sont essentielles, mais aussi démographiques, géographiques, politiques, historiques, idéologiques et culturelles des conflits et des guerres.

Au cours de l’histoire contemporaine la paix a été pensée comme projet mondial à deux ou trois moments principaux. Après la seconde guerre mondiale avec la construction des Nations Unies autour des objectifs de la Charte «Nous, peuples des Nations Unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre…..à favoriser le progrès social … » « afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde,.. (art 26)».

Après la chute du mur de Berlin et la dissolution du pacte de Varsovie un processus engagé par l’Unesco a abouti à l’adoption de plusieurs résolutions de l’ONU appelant à la construction d’une culture de la Paix (résolution des Nations Unies A/RES/52/13)  et en définissant à travers la résolution A/53/243 un Programme d’action pour une culture de la paix. Malheureusement comme l’a souligné le directeur général de l’Unesco Federico Mayor (1) « Progressivement, l’aide au développement (qui doit être intégrale, endogène, durable et humaine) a été remplacée par les prêts ; la coopération par l’exploitation, les valeurs éthiques par les lois du marché et le système des Nations Unies par les groupes ploutocratiques (G-7, G-8…G-20).  ….Le résultat de toutes ces mesures néolibérales est que les marchés ont eu la force motrice de la gouvernance mondiale au lieu des orientations sociales et politiques ».Le 21 septembre 2001 a été le prétexte pour de nouvelles régressions que décrit jean Ziegler lorsqu’il dit « le 11septembre 2001 n’a pas seulement été l’occasion pour George W. Bush d’étendre l’emprise des États-Unis sur le monde, l’événement a frappé les trois coups de la mise en coupe réglée des peuples de l’hémisphère Sud par les grandes sociétés transcontinentales. Pour parvenir à imposer ce régime inédit de soumission des peuples aux intérêts des grandes compagnies privées, il est deux armes de destruction massive dont les maîtres de l’empire de la honte savent admirablement jouer : la dette et la faim… .  Du coup, c’est le régime de la violence structurelle et permanente qui, partout, gagne du terrain au Sud, tandis que le droit international agonise ». Pour Bertrand Badie « Les conflits s’enracinent surtout dans les conséquences de la mondialisation, qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Dans la plupart des cas, les guerres du XXIe siècle procèdent de la décomposition institutionnelle et sociale, tout en s’inscrivant dans le cadre des rivalités entre les grandes puissances, anciennes ou nouvelles ». Ces logiques ultralibérales guidées par la recherche de profits immédiats alimentent affrontements, conflits et guerres pour l’accaparement des richesses et la maîtrise des leviers de décisions économiques et politiques. Elles fragilisent les existences individuelles et la planète, génèrent des inquiétudes légitimes mais entretenues pour faire accepter par les populations des augmentations des dépenses militaires qui favorisent le commerce des armes. Les dépenses militaires mondiales sont de 1981 milliards de dollars US en 2020 (source Sipri) alors que le budget de fonctionnent de l’Onu est de l’ordre de 3, 2 milliards/an et la 20 taine d’opérations de paix conduites dans le monde par l’ONU sont financées par les Etats membres à hauteur de 6, 5 milliards par an). Ces logiques libérales et guerrières sont au cœur du livre blanc de la défense et de la loi programmation militaire votée par l’assemblée nationale , deux documents qui, au-delà d’une paix qui ne pourrait se construire que dans des rapports de puissance et de domination,  portent l’idée que l’industrie militaire et le commerce des armes sont des éléments de la compétitivité de la France Une telle idéologie conduit la France parmi le 3 ou 4 plus grands vendeurs d’armes au monde, à alimenter conflits et guerres comme par exemple au Yémen en vendant des armes à l’Arabie Saoudite ; et à augmenter son budget militaire conformément aux exigences de l’ Otan tout en allant vers un doublement du budget consacré aux armes nucléaires. Cette logique détourne et pervertit des compétences et potentiels intellectuels, scientifiques, universitaires, technologiques, industriels et diplomatiques,  au profit d’une militarisation dangereuse pour la paix et néfaste pour l’économie car si on construit des missiles nucléaires (type M51 ) inutiles et dangereux d’un coût de 150 millions d’euros l’unité (Usine Nouvelle), on importe des USA ( général Electric) ou d’Allemagne (Siemens) des scanners corps entier qui coutent un million d’euros l’unité car la filière électronique a été détournée de ses objectifs civils et médicaux en faveur du lobby militaro industriel.

Pourtant, les potentialités scientifiques et intellectuelles d’aujourd’hui permettraient de mettre en place d’autres logiques, d’autres alternatives afin de construire un monde de justice, de coopération et de paix. Les potentiels existants et les salariés hautement qualifiés de ces secteurs seraient mieux valorisés au service d’une économie de paix nécessaire pour faire face aux enjeux économiques, sociaux, sanitaires et écologiques auxquels est confrontée l’humanité en particulier pour faire face aux défis du réchauffement climatique, de la misère et des pandémies actuelles ou à venir. L’avenir et la sécurité de la France ne résident t’elles pas dans le développement d’une véritable filière pour la paix qu’il faut construire en l’adossant à une politique internationale de la France en faveur de la paix et du multilatéralisme ? Une telle filière incluant l’éducation à la paix, la formation, la recherche, le développement technologique et industriel, la vulgarisation scientifique, de nouveaux outils de prévention, permettrait la création d’emplois utiles pour un développement durable et solidaire de la France et de la planète, pour réaliser les ODD (objectifs du développement durable (Onu 2015) et les objectifs fixés par le GIEC en matière de climat. Pour le Giec, il faudra aussi obtenir qu’un groupe de travail du GIEC travaille sur les effets des activités militaires sur le dérèglement climatique. Une filière « économie pour la Paix » regroupant des projets économiques et sociaux avec des moyens serait, à travers un réseau de partenariats économiques, sociaux, culturels et diplomatiques un facteur de sécurité pour la France, l’Europe et le monde entier dans une logique multilatérale permettant aux en particulier aux pays du sud un développement humain endogène.

La France en a les capacités mais pas la volonté politique. Heureusement des citoyens agissent pour la paix. Ainsi une cinquantaine d’associations et d’organisations syndicales dont le Mouvement de la Paix ont co-écrits ensemble un livre blanc pour la paix dans lequel elles formulent des propositions concrètes en vue de politiques de paix incluant 4  programmes mobilisateurs et des réformes structurelles profondes : réforme démocratique des médias , mise en place d’un observatoire des situations pré-conflictuelles , création d’un Institut National de Recherche et d’Education à la Paix pluridisciplinaire (EPST) , mise en place d’une mission interministérielle pour la paix ,création d’un Institut National pour une Citoyenneté active en faveur de la Paix implanté dans toutes les régions, un Ministère de la paix, une réduction des outils militaires et la réorientation de leurs missions.

Ce livre blanc est une contribution à la construction d’une alternative pour la paix, pour l’émergence d’une transition pacifiste et d’un monde sans armes et sans guerres. Cette transition peut se construire grâce à une double dynamique que l’on appellera «la dynamique du double balancier» se caractérisant par une réduction progressive mais conséquentes des  outils et dépenses militaires(en premier pour les armes nucléaires dont l’élimination est programmée par le TIAN adopté à l’ONU en 2017 et entré en vigueur le 21 janvier 2021) et par l’augmentation des moyens pour la construction de la paix via la réalisation des droits humains dans le monde entier incluant le droit de vivre en paix dans un environnement sain et durable . Ce livre blanc est une première contribution qui ne demande qu’à bénéficier de l’enrichissement et de la réflexion de toutes et de tous. Il est construit sur la base d’un examen de la réalité concrète du monde d’aujourd’hui à partir duquel se fonde une vision : pour l’avenir de l’humanité, il n’y a d’autre chemin que la paix.

De leur côté des syndicats et la Cgt en particulier comme chez Thales font des propositions pour réorienter dès à présent des savoirs faire et des technologies vers la filière médicale. Les dockers, l’Acat, Amnesty, Le Mouvement de la Paix, le PCF, Eelv, les groupes FI et Pcf à l’Assemblée, des parlementaires contestent le commerce illicite des armes. La pétition, portée par le Mouvement de la Paix et le collectif national en Marche pour la Paix pour que la France ratifie le Traité d’interdiction des armes nucléaires voté à l’ONU le 7 juillet 2017, propose à cet égard « une réorientation du budget de la défense dans le cadre d’une politique de paix s’inspirant de la Charte des Nations Unies »et a reçu plusieurs dizaines de milliers de signatures. Autant d’expériences et de réflexions que le Mouvement de la Paix entend contribuer à développer avec toutes celles et ceux (individus et organisations qui le souhaitent) en organisant en janvier 2022 au Conseil Economique Social et Environnemental un séminaire de réflexion sur le thème « Comment construire une économie pour la paix ? ». A cet égard c’est dès maintenant qu’il faut commencer à travailler à des diversifications et reconversions industrielles dans un certain nombre de régions et d’entreprises où une part trop importante de l’emploi repose sur une économie de guerre. Les contrats de plan Etat-Région (CPER) qui, nourris par des dizaines de milliards d’euros et complétés par des fonds structurels européens (FEDER, FSE,..), et des programmes mobilisateurs nationaux  doivent faire l’objet de propositions et de luttes pour faciliter cette transition vers une économie de paix. Les initiatives diverses ( contre-sommets organisés lors des G7 , les université d’été de la solidarité internationale organisées par Le CRID, les forums sociaux, la journée internationale de la Paix, la journée internationale de l’ONU pour la science au service de la paix du développement, la journée du vivre ensemble en paix, mais aussi la journée internationale des droits de l’homme sont autant de moments pour ,ensemble, au plan local, national ou international, « construire et  défendre nos alternatives » en affinant  des propositions en faveur d’une économie de paix.

Il y a urgence, car la paix est une construction qui ne peut qu’être fragilisée si des retards sont pris dans la conception et la mise en œuvre des programmes nécessaires à sa construction et en particulier les programmes liés à la résolution des problèmes posés par les dérèglements climatiques qui, s’ils ne sont pas résolus, vont conduire à des catastrophes et des déplacements démographiques énormes sources de conflits, de guerres meurtrières et de crises économiques. Toutes les initiatives organisées tous les ans en septembre dans le cadre de la journée internationale de la Paix sont autant de lieux et de moments en France et dans le monde pour faire valoir nos exigences pour la paix.

Roland Nivet, Co- secrétaire National et co-porte-parole du Mouvement de la Paix

 

 

 

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